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SCIENCES EQUESTRES : CHAPITRE 4

Introduction 

cet article(n°4) s’inscrit dans la continuité des précédentes parutions ; nous y parlerons encore de l’équilibre psychologique du cavalier. Ensuite, suivant les professeurs, les disciplines, pays ou continents : des différentes méthodes de dressage du cheval. Enfin, dans l’application de l’enseignement délivré le plus souvent dans nos contrées, de la nécessité d’avoir un cheval « tendu ». 

Psychologie du cavalier : Une des plus grandes difficultés pour un cavalier par rapport au cheval consiste à lui parler en langage cheval et non comme à un humain ; nos comportements et capacités de réflexion sont fort différents.

 Combien de fois n’entendons nous pas dire par un cavalier : « il le fait exprès ; il a décidé de me faire enrager ; mon cheval ceci ou cela » : un cheval ne possède pas ces capacités de réflexion et cette intelligence.

Le cavalier doit accepter qu’il commette des fautes et que par ignorance et par manque de savoir-faire, le cheval n’ait pas compris ou n’est pas prêt à exécuter tel ordre ou exercice.Le cheval a une très bonne mémoire ; il enregistre et apprend lorsqu’il est en état de jeu, certainement pas dans la douleur ni lorsqu’il a peur. L’ennui est qu’il retient aussi bien nos actions utiles que celles nuisibles à un bon travail ; il est essentiel de nous concentrer pour éviter de commettre des fautes et de ne pas croire qu’un exercice, neuf fois répété incorrectement et la dixième fois exécuté assez correctement, peut être assimilé par le cheval.

Nous devons donc en premier nous remettre personnellement en question et ne pas rejeter les torts sur notre cheval ou tout autre élément extérieur. Le cheval a son langage et des réactions propres à sa race  au même titre qu’un ordinateur applique à la lettre ce que nous lui demandons d’exécuter ; à la différence que comme tout être vivant, il est soumis à nos bons soins et qu’il possède son caractère, de bons et de moins bons jours, qu’il est sensible aux facteurs extérieurs.

Un cavalier doit de plus (le professeur aussi) être patient et persévérant, ordonné et logique, ne pas espérer le résultat immédiat, instantané, mais travailler de manière organisée aussi bien pour le court, le moyen ou le long terme. Ces qualités sont peu compatibles avec l’impulsivité, les ambitions et le caractère des cavaliers adolescents ;  ceux-ci doivent, afin de ne pas se décourager, être spécialement encadrés.

Le respect du cheval, à ne pas considérer comme une mécanique, doit prévaloir sur les performances espérées ou les moyens utilisés pour y parvenir. Une bonne organisation au sein du manège et des leçons, un peu de rigueur et de discipline, le respect de quelques règles, permettront de passer ce cap jusqu’à maturité suffisante et assureront les progrès, des bases solides et durables.A ceux qui se rendent pour la première fois dans un manège, je dirai d’être attentif à l’hygiène et la propreté des installations et des boxes, de l’état physique des chevaux. Même un néophyte pourra de ces observations tirer des conclusions quant à la qualité de l’enseignement et de l’encadrement ainsi que du respect indispensable dû au cheval.

Les cavaliers « amateurs » qui montent « sans ambition sur le plan sportif » doivent également être sensibilisés à ce qui vient d’être dit ; l’exploitant de manège et le moniteur ont un rôle éducatif important. L’exemple donné spécialement par les cavaliers plus confirmés est également important; ceux-ci ne doivent donc jamais oublier qu’ils sont regardés et imités.Tous les écrits de maître Oliveira vous sensibiliseront utilement aux sensations que doit éprouver un cavalier lors de son travail à cheval. Je préfère entendre dire par un cavalier : « je vais chercher à devenir meilleur cavalier » que « je vais travailler mon cheval ».

Cruauté et Brutalité : pour clore ce passage sur l’équilibre psychologique du cheval et du cavalier je voudrais tenter de définir brièvement ces deux termes.Toute punition infligée au cheval qui n’aurait pas conscience de sa faute. Mais aussi : correction disproportionnée ou prolongée au-delà de la soumission ou de l’obéissance du cheval.Tout acte intentionnel blessant un cheval ou tout travail effectué avec un cheval qui souffre.Faire travailler un cheval pas ou insuffisamment en état (les raisons pourraient en être multiples : ferrage, santé, alimentation, renfermé au box depuis des jours, hygiène etc.) ; ne pas prévoir d’échauffement ou au contraire travailler trop intensivement ou trop longtemps etc. 

Le moniteur doit bien sûr non seulement être un exemple mais doit expliquer, éduquer, intervenir ou sanctionner les cavaliers ou personnes responsables et faire appliquer la loi dans les cas graves, en informer aussi officiellement les instances équestres(déposer une plainte, témoignages, …)

La fermeté ne peut se concevoir que lorsque le cheval est intentionnellement dangereux ou agressif, qu’il cherche manifestement, volontairement et sans motif à dominer l’homme ( essayer de débarquer, se cabrer, s’acculer…)

Les différentes méthodes de dressage : Beaucoup de professeurs ayant fait leurs preuves comme cavalier et comme enseignant utilisent des progressions différentes dans le travail d’un cheval ; les consignes ne sont pas identiques, parfois fort différentes ou même en contradiction par rapport à d’autres reçues précédemment.

 Cette constatation peut également apparaître à la lecture de différents auteurs pourtant fort réputés.

Comme le soulignait un de mes professeurs : l’important n’est pas la méthode ou progression utilisée car il y en a beaucoup de différentes ayant fait la preuve d’un excellent résultat mais d’avoir de la méthode.

 Le choix de la méthode dépend de plusieurs éléments : de l’évolution de la société, de l’usage que l’on veut faire du cheval (équitation de loisir, utilitaire, spectacle, compétitions diverses…), du vécu du professeur(enseignement reçu, expériences, rencontres, lectures, recyclages…) et des besoins et désirs des élèves.

 Dans nos contrées nous pratiquons essentiellement l’équitation de loisir et sportive ; lorsque nous devenons compétiteurs d’une discipline particulière les méthodes d’apprentissages entre les enseignants se ressemblent déjà un peu plus car les critères de réussite et de jugement sont clairement établis.

Il est cependant fort important que les cavaliers « débutants » et « moyens » puissent passer d’un professeur à l’autre et même d’un pays à l’autre en retrouvant des explications et des expressions « compréhensibles », pas trop différentes. Les professeurs doivent donc avoir appris un canevas commun de méthode, de critères de réussite et d’expressions.

 Les formations « classiques » délivrées dans des écoles telles que Gesves ou les formations et recyclages organisés sous l’égide de la LEWB sont indispensables aux moniteurs « débutants » et utiles aux autres.

Un professeur se doit d’avoir les yeux, oreilles et l’esprit ouverts ; sa méthode bonifie et évolue en fonction de son vécu et de ses expériences ; nous avons la chance dans la pratique et l’enseignement de l’équitation de pouvoir nous perfectionner jusqu’à un âge très avancé.

 Soyons ambitieux et modestes à la fois et tâchons d’éviter la critique des autres professeurs. Par contre : prouvons que notre enseignement, à quelque niveau que ce soit, est efficace. Celui qui, dans le long terme,  arrive à garder et fidéliser ses élèves saura que sa méthode est suffisamment bonne.

Retour à la science équestre :

Le cheval « tendu », la notion du contact, première étape de la mise sur la main.

Nous avons vu précédemment que le travail en extension d’encolure permettait non seulement de détendre et d’échauffer musculairement et psychologiquement notre cheval, de voûter son dos « dans le bon sens » mais aussi d’augmenter l’engagement des postérieurs plus en avant sous la masse du cheval vers le centre de gravité, de cadencer le cheval.

Un cheval ayant un bon dos (souple, fort, assez large, pas trop long ou creux) n’a pas besoin de travailler énormément en extension, le nez à terre ; un travail des heures ou des semaines durant en extension, monté ou enrêné, ne musclera pas le dos d’un cheval et ne transformera donc pas fondamentalement sa morphologie ou la qualité de son travail.

 Il nous faut pour cela de plus le travailler « tendu ». Cette tension doit permettre la transmission des indications de la main du cavalier à l’arrière-main du cheval, d’intervenir sur l’amplitude de la foulée, de provoquer l’abaissement des hanches. La tension est dépendante de l’impulsion naturelle du cheval ou  doit être obtenue par le cavalier spécialement lorsque nous travaillons entre quatre murs, sur le plat (dressage). La fermeté élastique du dos du cheval se ressent au fait que le cheval tend les rênes qui ont été ajustées par le cavalier ; celui-ci assure ce contact confiant, constant et régulier grâce à la fixité de ses mains par rapport à la bouche du cheval (explications complémentaires suivront).

 Il faut faire attention à ne pas raccourcir inutilement l’encolure du cheval en tirant car le cavalier serait persuadé que c’est son cheval qui tire. Le contact avec la bouche doit être assez franc pour que la bouche du cheval ne subisse pas de saccades et cependant pas au point que le cheval se serve de votre main comme d’une béquille ou d’une troisième jambe greffée sur son avant main.

 Le plus souvent je conseille aux cavaliers d’avoir la main fermée autour de la rêne, laisser l’encolure au 9/10ème de sa longueur possible, le dixième restant devant servir à ce que la poussée des postérieurs, retransmise à travers le dos, fasse avancer la nuque du cheval jusque(presque) au-dessus de son nez ; si la nuque avance, le chanfrein sera(presque) à la verticale.

 A un cavalier qui me dit que son cheval tire ou pèse, je réponds d’allonger les rênes et l’encolure, de diminuer donc le contact sans le perdre et d’agir simultanément avec ses jambes (souvent en allongeant l’allure) pour augmenter l’engagement. Je rappelle à cette occasion qu’un cheval qui allonge correctement engage plus.

 Beaucoup trop souvent nous voyons des cavaliers faire l’inverse de ce qu’il faut faire et tirer brutalement, ralentir et faire précipiter le cheval, l’affoler ou passer à l’allure inférieure, passer au pas ou l’arrêter.

 Point important : le cavalier doit avoir ses mains un peu (2cm suffisent) plus hautes que la bouche du cheval ; si mon cheval monte sa nuque pour une raison ou une autre je dois donc monter mes mains, sans modifier le contact et à l’inverse baisser mes mains lorsqu’il descend afin de maintenir ma main en permanence un peu plus haute que sa bouche.

 Monter les mains peut aller, si cela se justifie jusque très haut.

Ce que l’on nomme le demi-arrêt ou parade doit être réservé aux cavaliers(et chevaux) confirmés et doit être remplacé par une touche brève et nette des jambes à la sangle ; nous en reparlerons éventuellement plus tard. Le travail « cheval tendu et venant sur la main » se pratique avec une encolure nettement moins basse ; j’utilise souvent l’expression « dans le prolongement de son dos ».

Dans le prochain n° je vous parlerai de l’importance de la fixité de la main par rapport à la bouche du cheval et, enfin, d’incurvation (sans travail de deux pistes).

Je vous exposerai les progressions et exercices standard que j’utilise le plus souvent en vous expliquant aussi ce que l’on nomme « l’aide globale ».

E. Patigny